Genèse théorique et premières estimations
Au milieu du XXe siècle, les estimations sur le nombre de planètes dans la Voie lactée laissaient penser que notre système solaire pouvait être unique parmi environ 200 milliards d’étoiles. Selon Michel Mayor, Otto Struve est le premier à ouvrir une voie nouvelle en 1952 avec une lettre expliquant que la rotation des gaz qui forment une étoile peut laisser derrière elle un disque en rotation et favoriser la formation de planètes.
Cette réflexion suggère que les systèmes planétaires seraient des sous-produits probables de la formation des étoiles. Pour Mayor, cela implique une vision plus vaste: des milliards de planètes pourraient exister dans la Galaxie, et la détection de ces mondes au-delà de notre système serait désormais une possibilité centrale. À partir de ce cadre, l’objectif est devenu de repérer ces exoplanètes.
Cette orientation est renforcée par les observations et les idées évoquées par Struve, qui marquent un tournant majeur dans notre perception de l’architecture des systèmes stellaires et du rôle du rapport angular dans leur évolution.
Les avancées techniques et la méthode des vitesses radiales
Le progrès déterminant tient à la conception du spectrographe utilisé par Michel Mayor: une astuce optique permet d’analyser les mesures en temps réel, et le logiciel élaboré par son équipe fonctionnait sur un ordinateur rudimentaire de l’époque, avec une mémoire d’environ 8 kilo-octets.
Pour mener ces recherches, Mayor et son équipe s’appuyaient sur un télescope modeste de 1,93 m équipé du spectrographe ELODIE, installé à l’Observatoire de Haute-Provence. Didier Queloz, doctoraliste de Mayor, a contribué à cet instrument révolutionnaire. En 1993, le CNRS accorde du temps de télescope pour examiner les 142 cibles les plus prometteuses, avec la possibilité d’obtenir 42 nuits d’observation offertes par l’organisme.
La découverte historique de 51 Pegasi b
Au début de 1995, Michel Mayor travaille sur un télescope à Hawaï, au sommet du Mauna Kea, pour repérer de petits compagnons stellaires, tandis que Didier Queloz poursuit la collecte des données en Provence. En février, un fax signale des variations périodiques sur l’étoile 51 Pegasi, évoquant la présence possible d’une planète. Des réserves persistent quant à d’autres explications potentielles, comme des phénomènes magnétiques ou des pulsations stellaires.
Lorsque l’étoile réapparaît dans le ciel en juillet, des mesures complémentaires sont réalisées pour exclure les sources d’erreur et confirmer l’hypothèse planétaire: chaque observation nocturne concorde avec les prédictions formulées plusieurs mois auparavant, solidifiant l’interprétation d’une planète en orbite.
Localisée à environ 50 années-lumière dans la constellation de Pégase, 51 Pegasi b est classée comme une exoplanète géante gazeuse et possède environ la moitié de la masse de Jupiter. Son orbite est extrêmement rapide, accomplissant un tour en 4,2 jours terrestres, et sa température est estimée autour de 1000 degrés. Cette découverte inaugure la catégorie des Jupiter chaudes, des planètes massives orbitant très près de leur étoile. Dans les échanges, l’exoplanète 51 Pegasi b est aussi évoquée sous l’appellation Dimidium.
Une annonce médiatique et les premiers retours
Les résultats sont présentés à l’été 1995 en Provence et publiés dans Nature en novembre 1995. Avant la publication, l’annonce officielle est faite à Florence, lors d’un workshop international, et Nature insiste sur le fait que la presse n’avait pas été prévenue au préalable. La fuite médiatique se propage ensuite progressivement, avec une couverture initiale limitée au sein de la communauté scientifique avant d’attirer l’attention des médias internationaux.
Le phénomène est amplifié par des articles et des reportages internationaux qui soulignent l’ampleur de la découverte et son impact sur la compréhension de la diversité planétaire dans le cosmos.
Le Nobel de physique 2019 et l’héritage de la découverte
Vingt-quatre ans après l’annonce en Italie, Michel Mayor et Didier Queloz reçoivent conjointement le Prix Nobel de physique 2019 « pour la découverte d’une exoplanète orbitant une étoile de type solaire ». Le comité Nobel justifie ce choix par leur contribution à notre connaissance de l’évolution de l’Univers et à la place de la Terre dans le Cosmos.
Les réactions des chercheurs témoignent d’un étonnement partagé: Mayor évoque les notifications incessantes après l’annonce, tandis que Queloz confie avoir été pris par surprise par l’honneur. Le prix symbolise une reconnaissance majeure pour une discipline qui a depuis enchaîné les découvertes d’exoplanètes variées dans notre galaxe.
En 2021, l’hommage se prolonge avec le changement de nom d’un chemin menant à l’Observatoire de l’UNIGE, dédié à rappeler l’importance de cette découverte et les chercheurs qui l’ont portée. L’histoire de cette exoplanète et de ses découvreurs demeure un jalon clé de l’astronomie contemporaine.