Le jury, composé exclusivement de femmes et regroupant douze membres, a désigné cette année l’œuvre de Nathacha Appanah et lui a attribué le prix Femina pour La nuit au cœur, publié en août chez Gallimard.
Au cours d’un scrutin à deux tours, le roman a franchi le second tour devant quatre autres titres de la sélection finale : La maison vide de Laurent Mauvignier, Au grand jamais de Jakuta Alikavazovic, Un mal irréparable de Lionel Duroy et Le monde est fatigué de Joseph Incardona.
La remise s’est tenue au musée Carnavalet-Histoire de Paris, à la veille des cérémonies du Goncourt et du Renaudot. La nuit au cœur a par ailleurs été retenu pour les prix Goncourt et Renaudot, et deux jours avant le Médicis.
« Je suis tellement heureuse d’avoir un prix d’automne. C’est mon douzième livre et mon premier grand prix », a déclaré l’autrice à l’AFP. « C’est un livre qui m’a pris longtemps. C’est un livre de compréhension de la noirceur et de la dynamique de la violence », a ajouté la romancière originaire de l’île Maurice, déjà lauréate du Prix Femina des lycéens en 2016 pour Tropique de la violence.
UNE EMPRISE PHYSIQUE ET MORALE
Dans La nuit au cœur, l’autrice relie une expérience d’emprise vécue à 17 ans à deux féminicides. L’une des victimes est Chahinez Daoud, mère de trois enfants, brûlée vive par son mari qu’elle avait quitté à Mérignac, près de Bordeaux, en 2021. Ce drame a relancé le débat sur la prise en charge des femmes victimes de violence conjugale. En France, une femme meurt tous les trois jours de la violence d’un conjoint ou ex-conjoint.
La deuxième victime est Emma, cousine de l’auteure et mère de trois enfants, écrasée par son mari en 2000 à l’île Maurice. La troisième est Nathacha Appanah elle-même, qui a fui, pieds nus, le compagnon violent et paranoïaque avec lequel elle vivait jusqu’à ses 25 ans à l’île Maurice.
La « mécanique de l’emprise physique et morale » décrite dans le livre montre l’insulte, l’agression et l’isolement imposés, le contrôle des sorties et des vêtements, la façon dont il parle à sa place et la manipulation qui peut conduire à croire qu’il n’existe pas d’autre choix que de rester auprès de lui.
À lire : Nathacha Appanah dénonce les féminicides dans La nuit au cœur.
UN LIVRE À LA CROISÉE DES GENRES
La nuit au cœur se présente comme une œuvre traversant plusieurs genres et consacrant une écriture qui regarde les nuits et les vies des femmes qui fuient et luttent. L’auteure décrit également le processus de création du livre : son enquête, ses rencontres avec les proches des victimes et ses réflexions personnelles.
« Parfois je perds la foi en ce travail », confie-t-elle, évoquant une part d’obscurité, de silence et d’impuissance que peut susciter la littérature.
Référence pratique : La nuit au cœur, Gallimard, août 2025.