NBA et activisme : une dynamique entre sport et engagement
La NBA n’est plus cantonnée au seul spectacle sportif. Depuis plusieurs années, de nombreuses vedettes du basket-ball américain prennent publiquement position sur des questions politiques et sociales, notamment en matière de racisme et de violences touchant la communauté afro‑américaine.
Parmi les noms mentionnés, LeBron James, Stephen Curry et Chris Paul sont cités, tout comme des entraîneurs tels que Steve Kerr, impliqué dans les manifestations No Kings contre Donald Trump. Le coach des Golden State Warriors a à plusieurs reprises dénoncé l’absence de réaction politique face à la violence par armes et aux fusillades dans les écoles, tout en apportant son soutien à l’Université de Harvard lorsque la liberté académique a été remise en cause par l’administration américaine.
Une tradition militante remontant aux années 1950
L’engagement politique des basketteurs noirs n’est pas nouveau et puise ses racines dans les années 1950, à une époque où la NBA s’ouvrait progressivement à des joueurs afro‑américains en plein contexte de ségrégation.
D’après Benoît Labis, auteur de NBA, 80 ans d’histoire, les joueurs noirs qui se déplaçaient avec leurs équipes faisaient face à des refus d’accès dans certains restaurants et hôtels, et subissaient le mépris de cadres majoritairement blancs.
Bill Russell, pivot emblématique des Boston Celtics, est présenté comme l’un des premiers à porter ce combat pour les droits et la dignité. Barack Obama a évoqué ce rôle en remettant en 2011 la médaille présidentielle de la Liberté à Russell. L’ancien joueur s’est aussi opposé à des quotas informels de joueurs noirs dans les équipes NBA.
Kareem Abdul‑Jabbar, son successeur désigné, a pris le relais dans les années 1960 pour dénoncer l’hypocrisie médiatique et sociale de l’époque, selon Theresa Runstedtler, professeure d’histoire à l’American University et autrice de Black Ball (Bold Type Books, 2023).
Depuis 2021, un prix Kareem Abdul‑Jabbar récompense le joueur le plus actif en faveur de la justice sociale au sein de la NBA.
Le tournant du silence et des choix politiques
L’arrivée de David Stern à la tête de la ligue en 1984 modifie en profondeur son visage, passant d’un sport en difficultés à une entreprise prospère. Stern s’appuie notamment sur la rivalité culte entre Larry Bird, joueur blanc et travailleur acharné de Boston, et Magic Johnson, meneur noir au talent éclatant de Los Angeles, ainsi que sur l’ascension de Michael Jordan.
Cependant, certains observateurs estiment que Stern cherchait à discipliner les revendications politiques des joueurs noirs afin de recentrer l’attention sur le terrain et sur les aspects économiques. Theresa Runstedtler rappelle que, dans les années 90, la perception des fans blancs pouvait être « trop noire, trop hip‑hop », et que la ligue a alors instauré des mesures telles qu’un code vestimentaire ou un âge minimum pour entrer dans la ligue.
Une partie de la stratégie marketing visait à rendre la culture noire accessible à un public blanc sans remettre en cause l’ordre établi, affirme Runstedtler.
La renaissance de l’activisme politique
Le 26 février 2012, Trayvon Martin, jeune Afro‑Américain, est tué par un agent de surveillance de quartier en Floride. D’autres violences impliquant des Afro‑Américains et des autorités sèment le doute et alimentent le débat jusqu’à George Floyd, étouffé en 2020 par un policier à Minneapolis.
Le mouvement Black Lives Matter émerge et relance l’activisme des basketteurs, soutenu par Adam Silver, le nouveau commissaire de la NBA. Selon Runstedtler, les athlètes n’adoptent pas nécessairement une posture frontale, mais utilisent leur notoriété comme caisse de résonance pour amplifier le message.
Pour approfondir ce sujet, diverses analyses soulignent comment les gestes des sportifs peuvent devenir des symboles politiques.
Un équilibre délicat entre voix publiques et enjeux économiques
La ligue affirme son soutien à certaines causes tout en modulant son discours, car elle demeure un ensemble diversifié. Si une majorité de joueurs et d’entraîneurs s’inscrivent plutôt à gauche et critiquent les politiques actuelles, la propriété des franchises demeure largement entre les mains de donateurs républicains — près de 80 % selon Benoît Labis.
Des exemples illustrent cette réalité, comme la famille DeVos (propriétaires du Magic d’Orlando) ou Tilman Fertitta (Houston Rockets), désormais ambassadeur des États‑Unis en Italie. Par ailleurs, la NBA entretient des collaborations avec divers marchés internationaux, parfois critiqués par des défenseurs des droits humains, notamment la Chine ou le Rwanda.
Selon Theresa Runstedtler, la NBA peut soutenir des initiatives pro Afro‑américaines sans renoncer à ses objectifs d’expansion et de profit, tout en explorant de nouveaux marchés comme n’importe quelle autre entreprise.