En Arctique, la Russie déploie le système Harmonie avec des technologies occidentales

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Contexte et dispositif arctique

Le système Harmonie est installé dans les eaux de la mer de Barents et assure la surveillance des sous-marins nucléaires russes grâce à des capteurs placés au fond de l’océan, reliés par des câbles optiques. L’objectif affiché est la protection des sites nucléaires russes.

Équipements et usage dual

Ce dispositif intègre des matériels dits à double usage, acquis via des fournisseurs occidentaux. Il réunit des câbles optiques fabriqués en Allemagne et au Japon, des sonars américains et britanniques et des systèmes norvégiens de positionnement acoustique. Bien que ces éléments soient licites dans des applications civiles, ils forment ici une infrastructure militaire.

Réseau et sociétés-écrans

Selon l’enquête collaborative Russian Secrets, coordonnée par la chaîne allemande NDR et relayée par Le Monde et le Washington Post, Moscou a contourné les sanctions et les contrôles depuis 2012 pour ériger cette frontière sous-marine.

Le système est mis en place par une flottille de navires, souvent vieillissants, opérant sous couvert de recherches océanographiques. En retraçant leurs trajets grâce aux coordonnées GPS, les journalistes ont cartographié l’infrastructure jusqu’à la mer de Barents.

Au cœur de ce dispositif se trouve un réseau de sociétés-écrans qui achetaient navires et matériel en dissimulant leur destination finale. Un nom revient régulièrement: Mostrello Commercial Ltd., enregistrée à Chypre, servant d’interface d’achat pour plus de 50 millions d’euros auprès d’entreprises basées aux États-Unis, en Europe et au Japon.

Son véritable propriétaire est Alexeï Streltchenko, homme d’affaires moscovite proche du FSB.

Cadre légal et enjeux de contrôle

Plusieurs industriels occidentaux et asiatiques affirment avoir respecté la loi; rien dans l’enquête ne prouve qu’ils connaissaient l’usage final des équipements. Le montage financier reposait sur de multiples intermédiaires et a même donné lieu à la création d’un trust pour masquer l’identité du propriétaire et la destination des matériels.

Ces ventes détournent l’usage initial et échappent souvent au contrôle direct des États. La réglementation européenne relative aux exportations sensibles est en vigueur depuis 2021, mais la Russie mobilise d’importants moyens pour contourner les systèmes de surveillance. Il s’agit d’un véritable jeu du chat et de la souris où l’Union européenne peine à maîtriser pleinement l’exportation de ces technologies sensibles.

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